Conseil à Abu Dhabi sur les puits de carbone bleu et le rôle des mangroves dans l’atténuation climatique
Jul 18, 2015
Biogéochimiste au Centre de recherche de l’environnement du Smithsonian (SERC), Patrick (Pat) Megonigal étudie le rôle de la végétation côtière (mangroves, herbiers, marais salants…), véritable puits de « carbone bleu » qui atténue le dérèglement climatique mondial par son absorption du dioxyde de carbone.
Écosystèmes de première importance, les mangroves sont des forêts côtières qui jouent un rôle clé dans la préservation de la biodiversité ; elles protègent les littoraux de l’érosion et des tempêtes, fournissent nourriture et médicaments et contribuent à la subsistance de la population locale. Les mangroves ont également l’incroyable capacité de se comporter comme des puits de « carbone bleu » qui éliminent le carbone de l’atmosphère et des océans et l’emmagasinent dans la végétation et les sédiments. Les scientifiques du Smithsonian s'attachent à protéger les mangroves en quantifiant leur rôle dans l’atténuation climatique et en formant des chercheurs, des étudiants et des bénévoles au suivi et à la protection de ces forêts vitales.

En plus d’abriter une vie marine et aviaire variée, les écosystèmes des mangroves favorisent le bien-être humain et la santé de la planète. Ils produisent des fruits de mer, des fruits, des médicaments, des fibres et du bois. Avec leurs réseaux de branches enchevêtrées, les mangroves forment des barrières naturelles qui contribuent à la protection des littoraux fragiles et des communautés contre les tempêtes côtières et les tsunamis. Elles améliorent la qualité de l’eau en filtrant les eaux de ruissellement ou polluées. Et elles protègent le climat en absorbant le dioxyde de carbone et en réduisant la quantité de gaz à effet de serre.
Partout dans le monde, les mangroves sont mises à rude épreuve du fait de l’activité industrielle, de la croissance des agglomérations, du dérèglement climatique et de l’expansion de l’aquaculture. Depuis le milieu des années 1980, au moins 35 % des mangroves de la planète ont été détruites, un rythme de disparition supérieur à celui des forêts tropicales.
D’après l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), une espèce de mangrove sur 6 est en voie d’extinction, à cause du développement des littoraux, de l’exploitation forestière, de l’agriculture et des conséquences du dérèglement climatique. Avec l’évolution du climat, la gravité des tempêtes devrait augmenter, aggravant l’érosion des côtes et menaçant les agglomérations de bord de mer.
Avec d’autres experts des écosystèmes des marais, des mangroves et des herbiers, le ministère de l’Environnement d’Abu Dhabi et l’organisation internationale GRID-Arendal, rattachée au Programme des Nations Unies pour l’environnement, Pat a travaillé en 2013 à la quantification du carbone stocké dans les écosystèmes côtiers proches d’Abu Dhabi. Le projet visait notamment à former les scientifiques employés par le gouvernement et les étudiants volontaires aux techniques de prélèvement des végétaux et du sol, à l’analyse de la teneur en carbone des échantillons et, à partir de ces mesures, au calcul de la quantité totale de carbone stocké dans une région plus vaste.
Abu Dhabi s’intéresse à la préservation de ses écosystèmes côtiers, en particulier les mangroves. Mieux connaître la capacité de stockage de carbone des littoraux a revêtu un intérêt particulier pour ce grand producteur de pétrole. « Ils s’intéressent aussi aux écosystèmes de carbone bleu pour leur comportement énergétique, note Pat. Et l’idée que cela puisse les aider à devenir neutre en carbone, du moins en tant que pays, les intrigue. » Si Abu Dhabi est encore loin de la neutralité carbone, les données qu’analyse Megonigal permettront d’établir une feuille de route.
À Abu Dhabi comme ailleurs, les mangroves subissent parfois le contrecoup des activités humaines, mais, comme l’a observé Pat, les autorités plantent des mangroves depuis les années 1950 et poursuivent aujourd’hui leur démarche sur de vastes surfaces. Il espère que la collaboration actuelle avec les Émirats arabes unis aidera à mieux faire connaître les écosystèmes côtiers au Moyen-Orient et renforcera la volonté politique requise pour protéger les mangroves. À la longue, la conservation de ces systèmes végétaux côtiers de « carbone bleu » sera bénéfique pour le climat, la pêche, le tourisme, la biodiversité et la population locale.
