Un programme baptisé « Récifs sains pour personnes saines » pour la préservation des récifs méso-américains
By Isabella Roden
Le récif méso-américain (MAR) comporte la plus longue barrière de corail de l'hémisphère occidental et représente un haut lieu de la biodiversité. Le MAR s'étend sur plus de 1 000 km, le long des côtes de Belize, du Mexique, du Guatemala et du Honduras En plus de les protéger de la plupart des tempêtes et des inondations, le MAR subvient aux besoins de plus de 2 millions de personnes grâce à la pêche et au tourisme.
La santé du récif méso-américain est aujourd'hui en péril. La surpêche, les bouleversements climatiques, la pollution et la destruction des habitats résultent de causes variées : eaux de ruissellement agricoles, croissance démographique et pratiques de tourisme non durable. Les activités de dragage détruisent la mangrove qui protège le littoral et abrite les jeunes poissons. Quant au réchauffement de l'océan, il est à l'origine du blanchiment des coraux.

La santé du récif affecte la communauté, et quand la pollution, la surpêche et le dragage touchent le MAR, ce sont pas moins de deux millions de personnes qui en pâtissent. D'un côté, les communautés de pêcheurs réclament l'application des règlements pour maintenir un approvisionnement régulier en poissons. De l'autre, l'industrie du tourisme souhaite préserver la beauté et la richesse du récif pour attirer les touristes.
Mais la situation du MAR s'améliore malgré ces défis, notamment grâce au programme de conservation mené par le musée national d'histoire naturelle du Smithsonian, le Récifs sains pour personnes saines (HR4HP). Ce programme fait intervenir plus de 60 partenaires luttant pour préserver et améliorer l'état de santé du MAR tout en soutenant les communautés qui en dépendent. Précurseur dans son domaine, le HR4HP a développé une structure d'évaluation de l'état de santé des récifs du MAR dont les résultats ont permis de donner des conseils de gestion aux gouvernements, aux O.N.G. et aux entreprises du secteur privé.

Inventer un système de notation représentait un défi en soi : il fallait établir une collaboration régulière entre quatre pays et réunir des scientifiques pour définir les critères de santé des récifs coralliens. Fort de sa réputation, le Smithsonian a su fédérer un certain nombre de scientifiques dans cette optique. Selon Melanie, cette étape a été la pierre angulaire « à l'origine d'une collaboration, d'un état d'esprit et d'une vision commune parlant le même langage et d'une même voix pour définir des objectifs visant à aider le récif. »

En partenariat avec le Smithsonian et des organisations de conservation d'envergure telles que l’organisation Nature Conservancy et le Fonds mondial pour la nature (WWF), le HR4HP a su rassembler dans la région les figures de proue de la conservation pour mieux protéger le MAR. Ce partenariat a donné naissance à la création du bulletin de santé biennal du MAR ainsi qu'à un système de classement basé sur une échelle de 5 points. Ce bulletin est un moyen fiable d'évaluer la santé du récif au fil du temps. Il dresse un bilan selon 4 critères :
- le pourcentage de couverture corallienne,
- le pourcentage de couverture de macroalgues charnues,
- la quantité de poissons herbivores indispensables, et
- la quantité de poissons commerciaux indispensables.
Plus nombreux sont les coraux et les poissons herbivores et commerciaux, plus le bilan de santé du récif est positif. À l'inverse, plus les macroalgues charnues prolifèrent (algues invasives rivalisant avec les coraux), plus le récif est en péril. Cette année, une note finale a été attribuée au récif, et des conseils ont été prodigués pour pallier cet état d'urgence. Le HRI recommande notamment d'étendre les réserves marines protégées (où la pêche est interdite) sur environ 20 % des eaux territoriales dans chaque pays du MAR. C'est grâce à la solide réputation du Smithsonian que les critères d'évaluation sur la santé du récif ont été pris au sérieux.

Les équipes disposent de « sondeurs » qui dénombrent les différentes espèces de poissons présentes et en évaluent la taille. Ce sont eux qui mesurent l'étendue du récif corallien, la taille des coraux et évaluent la santé du récif. Ils dénombrent par ailleurs le nombre d'oursins, de homards et de conques présents. Le HR4HP publie ensuite ces relevés sur une base de données en ligne. Après analyse, celles-ci servent de repère pour évaluer la santé du récif. Des formations avec les partenaires locaux sont également organisées pour aider les O.N.G. et les biologistes à recueillir ces données. Les chercheurs du Smithsonian informent les équipes des dernières théories écologiques et des derniers outils scientifiques et technologiques à leur disposition.
Après avoir prodigué ses conseils, le HR4HP organise un audit écologique faisant état de la façon dont les politiciens prennent en compte le bulletin dans leurs actions politiques. La mise en place de cette compétition amicale entre les pays par le biais du système de notation de l'audit écologique reste le meilleur moyen de veiller à l'adoption des recommandations prodiguées et à la santé de l'écosystème.

Le bulletin de santé du HR4HP est le premier dispositif évaluant et améliorant de façon exhaustive et quantitative l'état de santé des récifs de la planète. Ce programme a permis depuis 2004 de tisser un réseau impressionnant de partenaires, passant de 4 à 65 organisations internationales spécialisées en matière de conservation. En réponse aux bulletins de santé et aux audits écologiques, les quatre pays du MAR, Belize, Honduras, Guatemala, et Mexique, ont opéré des changements politiques positifs et concrets en faveur des récifs coralliens.
L'avenir semble prometteur pour le MAR. En 2015, le bulletin de santé dresse un bilan positif sur l'ensemble du récif méso-américain, passant d'une note « médiocre » en 2006 à la mention « passable » aujourd'hui. La densité de la couverture corallienne et le nombre de poissons herbivores et commerciaux sont en hausse. On a également observé la prolifération d'espèces vitales dans les zones maritimes où la pêche est interdite, les mérous et les vivaneaux y étant 10 fois plus nombreux.

L'amélioration du bilan de santé du MAR se reflète notamment sur le nombre de poissons-perroquets (Scaridae) qui ne cesse de s'accroître dans toute la région. Le poisson-perroquet, espèce herbivore figurant sur le bulletin de santé, est une espèce vitale pour le récif au vu de sa consommation d'algues invasives responsables de l'asphyxie des coraux. Alors que le Guatemala, Belize et certaines zones du Honduras ont proscrit la pêche des poissons-perroquets, le Mexique a lancé une étude et une campagne de sensibilisation sur le rôle de cette espèce clé. Le HRI a ainsi bon espoir que le MAR devienne sous peu la première écorégion internationale à protéger tous les poissons-perroquets.
Le HR4HP a quant à lui du pain sur la planche. Si le MAR s'améliore concrètement sur certains aspects, le bilan de santé général du récif reste alarmant. Pour fournir des données supplémentaires sur le MAR, le HRI doit étendre la portée et l'ampleur de ses relevés. Comme le décrit Melanie, « Le premier grand relevé a eu lieu il y a 10 ans. Nous devons maintenant retourner sur ces 326 sites d'origine » et recueillir davantage de données. Melanie compte exploiter à grande échelle les outils développés pendant 10 ans dans le cadre de ce programme afin d'étendre « le processus de collaboration et d'allier la science à la gestion des écosystèmes de façon aussi réaliste qu'intelligible ». Son objectif : que les décideurs et communautés du monde entier luttent ensemble pour la protection des récifs et soutiennent les populations qui en dépendent.